Fournaise d'hiver

En hiver, la Plaine des Cafres et le Piton de La Fournaise fourmillent de photographes. Le ciel est dégagé en cette période. Amateurs et professionnels n'hésitent donc pas à affronter les 2 ou 3 degrés nocturnes. Voire moins avec ce vent glacial qui souffle sur la Plaine des Sables. C'est que notre volcan est à plus de 2 600 m d'altitude.

De facto, mon ami Dominique et moi tentons l'aventure cette nuit. Le départ du chef-lieu de La Réunion est donc fixé à 3h45. Reste à espérer un ciel dégagé et un temps sec une fois sur place.

“Quand la bise fut venue”

Sans encombre, nous arrivons à destination vers 5h.

Hé zut, j'ai encore oublié de prendre le thermos de café.

Pas facile tous les jours d'assouvir sa passion !

Mais cette fois, c’est “quand la bRise EST... [par]venue”. Le vent souffle.

Nous sommes à 2 300 m. Il fait donc froid. Très froid. Et malgré le sous-pull, le pull, la veste doublée, le bonnet et les gants… “Oté ! La frais y coque !” *

Heureusement que le ciel est dégagé et que les étoiles brillent.

* Hey ! Le froid “tappe” !

Avec cette température, est-ce que la réussite sera au rendez-vous.

Théoriquement oui, puisqu'il y a les trépieds et les télécommandes pour nos prises de vues. Sans ces outils, il est certain qu'aucune photo ne serait réussie. Mes doigts sont engourdis par le froid. Mon corps est traversé de tremblements incontrôlables. J'avais oublié cette sensation depuis mon retour d'Alsace.

J'ai l'impression d'entendre le vicomte de Turenne et son célèbre “tu trembles Carcasse...”

De surprises en phénomène météo

La photo c'est du savoir-faire et du matériel. Soit. Mais c'est aussi et surtout un facteur chance que personne ne maîtrise.

La preuve encore avec cette vue fantasmagorique de la Plaine des Sables !

Je ne dois pas être le premier, ni le seul, mais “wouaaah” !

La Plaine des Sables recouverte d'un manteau blanc !

Non pas de glace, mais de nuages. Tout comme la trombe que j'y ai vu une fois, ce phénomène naturel ne semble pas si courant.

En tout cas, je n'en avais jamais vu, ni photographié.

Premier cadeau de la nature offert, le jour se lève. Il n'est pas nécessaire de s'éterniser à la Plaine des Sables, ni de retourner au Pas de Bellecombe : ce n'est pas là qu'il y aura des traces de givre.

Le soleil a rendez-vous avec la lune. La chasse au trésor nous attend.

C'est à la ravine Germeuil que je demande à Dominique de faire une halte. Je pense que l'on devrait y trouver notre bonheur car je vois un léger tapis blanc à travers les branles(1)

Et en effet, nos pipcrakes (aiguilles de glace) nous attendent. Fièrement dressés vers le ciel, il ne nous reste plus qu'à nous installer et faire le dos rond pour les voir de plus près. Mais plus je vieillis et plus la terre est basse...

(1) Branle ou brande, sorte de bruyère arbustive qui se présente plutôt sous forme de buissons.

Un fog beau

Avec le retour du soleil, il est temps de rentrer. Il est pratiquement 8h. La fatigue commence à se faire sentir. Le froid l'accentue.

Et pourtant !

Au détour d'un virage, j’aperçois un phénomène jugé rare par les spécialistes. Concentré sur la route, mon chauffeur n'a pas le temps de le voir. Dans l'excitation, je crie à Dominique “Arrête-toi ! Là ! Oui là, tout de suite à gauche, il y a un parking !”

Cet arc blanc (ou fogbow en anglais) est un phénomène lumineux météorologique. Un arc blanc est presque aussi grand qu'un arc-en-ciel et beaucoup plus large. La différence réside dans sa couleur blanche due à la petite taille des gouttes d'eau qui lui donnent naissance. Le Soleil ne doit pas être à plus de 30-40° de hauteur sur l'horizon, à moins d'être sur une colline et donc que la brume et l'arc puissent être vus d'en haut.

Je ne sais pas où nous sommes situés, mais nous le voyons. C'est l'essentiel.